La cuisine est chaude, des volutes de vapeur sortent de l'énorme faitout, une odeur de thym, de laurier, les jambonneaux frémissent dans leur bain; les fenêtres, embuées, sont bleu nuit.
L'après-midi est comateux, je suis au fond d'un fauteuil, en velours, énorme, trônant dans le coin d'un salon qu'un ciel gris et bas éclaire à peine. Dans un autre coin, un sapin lance des signaux, par intermittence, rouges, verts, bleus - j'adore les lumières bleues la nuit - il me fascine, m'hypnotise, j'ai les paupières lourdes, je me racrapote, le fauteuil m'engloutit.
Dehors il pleut, la journée est déjà terminée; il fait si chaud à l'intérieur.
Ma grand-mère se met dans son fauteuil, elle a un peu de temps avant la fin de la cuisson, elle ouvre son magazine, pas longtemps. L'horloge, oui, son tic-tac, il enfle, il rempli l'espace, il couvre tout, il règle notre respiration. Ma grand-mère succombe, le magazine lui échappe des mains, elle dort. Je le sais, son pied balance, en cadence, le même pied qui a poussé le berceau de tous ses frères et sœurs. Elle a, quel âge a-t-elle encore? Je ne le sais pas, je ne l'ai jamais su, elle a toujours été ma grand-mère, je ne l'ai pas vue vieillir, ou peut-être ne l'ai-je jamais vue jeune.
Depuis quelques années, son pied ne balance plus quand elle ferme les yeux, c'est le grand sommeil.
Tout cela jaillit de ma mémoire, cette après-midi, juste pour l'odeur d'une clémentine. Elle me colle aux doigts, je n'ai pas envie de me laver les mains.
Dehors il pleut, la journée est déjà terminée; il fait si chaud à l'intérieur.
Ma grand-mère se met dans son fauteuil, elle a un peu de temps avant la fin de la cuisson, elle ouvre son magazine, pas longtemps. L'horloge, oui, son tic-tac, il enfle, il rempli l'espace, il couvre tout, il règle notre respiration. Ma grand-mère succombe, le magazine lui échappe des mains, elle dort. Je le sais, son pied balance, en cadence, le même pied qui a poussé le berceau de tous ses frères et sœurs. Elle a, quel âge a-t-elle encore? Je ne le sais pas, je ne l'ai jamais su, elle a toujours été ma grand-mère, je ne l'ai pas vue vieillir, ou peut-être ne l'ai-je jamais vue jeune.
Depuis quelques années, son pied ne balance plus quand elle ferme les yeux, c'est le grand sommeil.
Tout cela jaillit de ma mémoire, cette après-midi, juste pour l'odeur d'une clémentine. Elle me colle aux doigts, je n'ai pas envie de me laver les mains.
2 commentaires:
Très beau texte de "réminiscence" de l'enfance : je me demande pourquoi on a plus de facilité, d'inspiration à évoquer les épisodes de cette période que les suivantes... enfin, j'en ai une petite idée, quand-même...
Bon Noël, Patrick!
Cela me fait penser à une nouvelle de philippe Delerm.
une petite histoire qui en amène une grande... magnifique.
Etonnant comme les clémentines peuvent nous rappeler notre enfance... encore aujourd'hui je ne les mange presque que pour ça!
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